Transcript
Preface
The following oral history transcript is the result of a recorded interview with Guyla Kosice on June 28, 1967. The interview took place in New York City, and was conducted by Butler Coleman for the Archives of American Art, Smithsonian Institution. The Archives of American Art has reviewed the transcript and has made corrections and emendations. This transcript has been lightly edited for readability by the Archives of American Art. The reader should bear in mind that they are reading a transcript of spoken, rather than written, prose
Interview
GYULA KOSICE: Le problème ne s’agit pas de problème; s’agit, justement, de voir si la place c’est normale, si il y a l’auteur nécéssaire, et après, le problème de l’argent avec la galère. Aujourd’hui, c‘est un issu dans tout ça, et il y a des mains—peut-être je n‘aurai jamais—j’étais monté à la galleriene [ph], et je monte peut-être demain matin.
BUTLER COLEMAN: C’est l’idée, tu crois, que le prix est trop cher, ou quoi?
GYULA KOSICE: Oui, je crois que c’est trop cher. Mais il ne peut pas payer de petit argent—il veut payer ça par moins. Alors, la galleriene [ph] a dit oui, mais ça dépend qu’elle soit [inaudible], c’est une question que je n’ai connu pas bien.
BUTLER COLEMAN: Est-ce que M. Aldridge [ph] a acheté quelque chose? Le machin que j‘ai lu dans le catalogue, il y a acheté?
GYULA KOSICE: C’est ça, acheté. Ça, c’est déjà une acquisition de la galerie de Normandie [ph].
BUTLER COLEMAN: Dis-moi pourquoi tout ça c’était écrit dans les autres livres, les choses—comment c’est passé que toi, tu as quitté l’endroit pour aller en Argentine? [00:02:02]
GYULA KOSICE: C’est pas moi qui quittais l’Argentine. C’étaient mes parents. Je n’avais pas même quatre ans, j’avais trois ans et demi. Alors, mes parents, après la Première Guerre Mondiale, on était [inaudible] de l’histoire en Europe, et on a quitté l’Argentine. Évidemment j’ai [inaudible] avec mes parents, tout petit, tout petit, et j’ai eu une impression le plus fort que j’ai connu que c’était pas grave. Ça, c’est justement Lucien, tu comprends? C’était l’impression totale, ça tourne, un enfant à cet âge là, c’est une monde en même temps tendre et affreuse, c’était la découverte d’une chose qui restait chez moi, n’est-ce pas? Alors, j’arrive à Bucharest, qu’est-ce qui se passe? Malheureusement, je suis orphelin de père et mère. Je restais tout seul avec mes deux frères.
BUTLER COLEMAN: Plus âgés?
GYULA KOSICE: Non, à dix ans j’aurais été orphelin.
BUTLER COLEMAN: Non, vos frères—
GYULA KOSICE: J’ai un frère plus âgé ; un autre moins que moi. Alors—c’était une histoire complètement angoissante, à cet âge là, de rester dans un pays qu’on commence à vivre. C’était pas même l’adolescence, c’était l’enfance, complètement. Alors, c’étaient vraiment dures, les premières années. Mais après, je crois que je suis passé cet endroit—
BUTLER COLEMAN: Vous étiez dans une pension? [00:03:58]
GYULA KOSICE: Non, il y avait un oncle, heureusement, c’est un dentiste qui nous ont reçu tous les trois. Et on a fait les études, le premier jusqu’à 13 ans. Et après, bon, pour ma part, je continuais à étudier dans le baccalauréat. Mais c’était, pour moi une vision différente du monde parce que d’abord, c’était évidemment l’isolement, tout à fait isolé du monde, et après, en revanche, cette nécessité de coordonner la vie, parce que la vie c’est plus fort même que le désir personnel, même que les circonstances préparées pour—les circonstances mêmes, n’est-ce pas? Il s’agitait justement de continuer à vivre, c’est tout. Évidemment j’ai eu un problème très sérieux, mais à 17 ans. De 14 ans, la chose que ça m’attirait le plus que tous, c’était la littérature—surtout la poésie. J’ai commencé à faire déjà des poèmes à 14 ans.
BUTLER COLEMAN: Quelle espace de poésie?
GYULA KOSICE: Vachement [ph] réaliste, déjà. C’est-à-dire, tout à fait autobiographique, mais avec une saveur irréelle, complètement irréelle. Et à partir de ces moments-là, je me rends compte que j’aurais besoin, quand même, de faire avec les mains—parce que j’étais très influencé par la littérature française, surtout Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, et tous les surréalistes—mais je nécessitais, vraiment, c’était une besoin physique de rendre visible cet image. Pour moi, l’image, il devrait être un langage universel et pas avec la communication de langage humain. [00:06:03] Pour moi, c’était la forme, l’espace, et le temps. Mais j’étais en même temps très influencé par les êtres humains. C’était un langage qui n’était pas à moi-même: c’était l’influence des autres. Alors, ce que je voulais, c’est justement rendre visible cet image, concrétiser cet image dans l’espace. Il avait un image que ça me frappait toujours, par exemple, j’ai écrit déjà [inaudible] “versé à tout vitesse.” Alors, ça c’était la folie parce que [inaudible]. Qu’est ce que s’est passé? Je voulais faire ça dans l’espace. Alors, pour moi, toujours, c’était lors d’une impression de mon enfance, je voulais bercer cet gout d’eau [ph] dans l’espace. Et je suis arrivé, en même temps, de faire des choses plus tard, mobile, dans le sens que le [inaudible] on peut le verser à toute vitesse, et à la vitesse que tu veux. C’était une approche vers une réalité qui me frappait toujours, c’était le mouvement. Mais évidemment avant le mouvement, je travaillais avec des choses, avec de volume, parce que de 14 ans, comme je te raconte, à 17 ans, j’étudiais à l’Académie du dessin et de modelage, n’est-ce pas?
BUTLER COLEMAN: “Life drawings,” aussi. Exactement comme un étudiant.
GYULA KOSICE: Comme un étudiant, c’est cela. Mais c’est surtout à partir de faire connaissance, de donner un maîtrise à mes mains, tu comprends? Pas seulement à les mains, tel qu’il est, ou abstrait, ou surréel, ou tous que tu veux, ou expressioné. C’était un mélange de tout ça. [00:08:04]. Alors, mes [inaudible] expérience, tout à fait, qui l’ajoute quand même une lumière à tout ce que j’ai dit, qu’à 14 ans, on m’envoyait en vacances en Provence, dans [inaudible]. Alors, j’ai eu un accident dans une petite lac. J’étais presque noyé. On m’a sorti inconscient, on m’a sauvé d’être noyé, n’est-ce pas? Et j’ai resté cinq jours inconscient. Tu comprends, j’étais plein d’eau dans mon corps, et je ne sais pas qu’est ce que j’imaginais, je ne sais pas ce que j’ai ressenti. Mais plus tard, je me suis rendu compte qu’il y a des choses dans moi-même qui doivent s’exprimer dans une certaine façon et pas d’une autre façon, n’est-ce pas? Alors, mes études ont été pas suffisantes. Pendant quatre ans que j’étudiais, c’était assez pour dominer la matière—je travaillais avec du bois, du métal, je fais même de soudure—mais surtout je commençais à faire des articulations avec les objets. Articulation, ça veut dire la participation du spectateur qui voyait un sculpture, et puis [ph] transformé. C’est-à-dire, la transformation de certaines volumes par la main, par les spectateurs. C’est-à-dire, les mouvements avec la participation des gens qui veulent les mobiliser, n’est-ce pas? Je commençais à suspendre du plafond des objets avec du vent pour faire les mobiliser aussi, et ça c’était beaucoup plus avant que de la fondation d’art Madí qu’après je vais te raconter. [00:09:55] Et alors, ça m’étonnait qu’après et pendant les événements, disons, de la Deuxième Guerre Mondiale, nous avons pris conscience—parce qu’il y avait un [inaudible] très important à Buenos Aires—que le rapport entre la vanguard et la chose qu’on a fait à Buenos Aires, que c’était en ce moment-là tout à fait dangereux, c’était un danger public de faire des choses comme ça. Tout le monde a nous attaqué. Je me suis rendu compte que je dois continuer en avant malgré l’incompréhension du milieu, du milieu tout à fait fermé, tout à fait contraire à des choses soi-disant abstrait, en ce moment-là. Je te parle de 1944.
BUTLER COLEMAN: Mais, c’est-à-dire, est-ce que tu étais conseillé par un professeur?
GYULA KOSICE: Jamais. Il n’y en avait pas.
BUTLER COLEMAN: Influencé par des copains?
GYULA KOSICE: Pas du tout.
BUTLER COLEMAN: C’était tout une recherche personnelle?
GYULA KOSICE: Personnelle à travers de la littérature—mon chemin c’était pris pour les arts visibles. C’est-à-dire, pour les arts de visibilité, de compréhension directe, pour un langage international universel. Et nous avons, tout le groupe, un désir de continuer les choses qu’on a fait même en Europe, en Amérique. Pas tellement, mais en ce moment-là, il avait des mouvements de style, il avait le Bauhaus, il avait tout le concrétisme [ph] russe, que nous avons été tout le temps dans la bibliothèque pour regarder, pour lire, pour voir qu’est ce que se passe dans le monde. Parce que chez nous en ce moment-là il n’y avait pas de traditions—rien du tout—à propos de l’art plastique. Il y avait seulement un commencement de cubisme et c’est fini avec deux ou trois expériences, et c’est tout. [00:11:57] C’est-à-dire, c’était pas une génération spontanée, pas du tout, parce qu’au fond, je suis argentin, mais d’origine européenne, avec une culture argentine et en même temps européenne et américaine surtout parce que je voyageais partout l’Amérique Latine. Mais il n’y avait pas une prise de conscience de la chose qui se passe, la chose qui doit se passer, et la chose qu’on doit transformer dans notre société. Surtout dans la part de l’architecture et d’urbanisme parce que c’est une côté complètement oubliée, sauf en Brésil. Alors, sans l’histoire derrière nous, sans de mettre derrière nous, qu’est-ce que nous pouvons faire à travers des illustrations, à travers de l’information? Mais en ce moment-là, il éclat la guerre. Alors, nous avons pris conscience que si nous devions continuer vis-à-vis de nous-même vers une vanguard [ph] c’est parce que nous avions été convaincus pour des faits et pour la chose que nous avons étudié. Mais il n’y avait pas une mentalité de diriger les gens, il n’y avait pas un organisateur, il n’y avait pas rien du tout à Buenos Aires en ce moment-là.
BUTLER COLEMAN: Mais tu dis “nous.”
GYULA KOSICE: Le groupe Madí parce qu’avant ça—
BUTLER COLEMAN: A 17 ans, tu n’avais pas eu le groupe Madí mais tu dis “nous.”
GYULA KOSICE: J’ai dit “nous” parce que avant le groupe Madí, il y avait la fondation, la première revue en Amérique Latine, qui commence à parler de la non-représentation de choses. C’est-à-dire, qui commence à parler des choses tout à fait différentes pour notre milieu. En plus, nous avons eu la collaboration de poète Widora [ph], nous avons eu la collaboration de Thores Garcia [ph], de Viega Garcia [ph]. [00:14:02] Dans cette revue que nous avons fondé, je te dirai avec qui, s’appelait “Arturo.” Ça, s’apparaît en 1944. J’ai eu 20 ans en ce moment-là, je suis né en 1924. Alors, qu’est-ce que se passe? Dans une série il y avaient même de contradictions parce que nous avons dit il y a une nouvelle conception de tout ça que nous avons regardé jusqu’à maintenant et nous voulons créer un autre mythe—c’était le mythe de l’invention contre l’automatisme. C’est-à-dire, nous sommes sortis de surréalisme et nous avons voulu créer un art disons dynamique, un art de notre époque. Que soit le reflet de l’époque [cross talk]. Donc, il y avait argentin, il avait Tómas Maldonado, il avait Edgar Bailey [ph], il avait Rhod Ruthfuss surtout parce qu’il était le vrai peintre de groupe. Nous étions seulement les chercheurs, des quelqu’uns qui veulent faire quelque chose à 20 ans, on ne peut rien dire—sauf l’éclat. L’éclat c’était justement savoir ce qui en veut. A cet âge-là j’ai bien su ce que je veux, ce que je voudrais faire, mais il n’y avait pas l’ambiance pour mettre à point toutes ces idées. Il n’y avait pas l’école, désordre [ph]. Alors, tous ces groupes-là en position pour un nouvel groupe qui s‘appelle—avc moi, j’étais co-fondateur avec tous ces gens-là, la Russe était appelait Arturo—Artconcret Invention. [00:16:03] Pourquoi Artconcret? Parce que nous avons pris des choses, des autres, et nous avons pris quand même la dénomination des autres parce que Artconcret c’est justement van Doesberg, qui a fait son premier manifeste à 1930. Il a dit, “Je suis contre l’art concrète parce plus concrète un triangle, plus concrète un forme, il n’y a rien,” sauf si tu mets un tableau l’illusion de profondeur que c’est l’espace. Si tu mets une vache sur un tableau, c’est l’illusion de vache, c’est la représentation, c’est pas la chose soi-même. Alors, nous avons pris quand même les conseils de l’invention, mais ajouter à Artconcret. Moi, j’étais contre parce qu’en même temps, Max Bill [inaudible] il a dit qu’évidemment l’Artconcret c’est la dénomination la plus pure. Et je me suis dit, c’est pas sûre parce que si nous avons les conseils d’invention, alors, on doit inventer la dénomination d’un autre groupe aussi. Alors, quelques uns étaient contre, et j’ai fondé le groupe Madí que ça—rien à voir avec l’Artconcret et c’est déjà le commencement d’une théorie. Mais avant ça, j’ai déjà publié- l’année suivant en 1946—une plaquette qui s’appelait Invention. Et dans cette plaquette, quand j’ai relu ça, j’ai compris qu’il y avait tout dedans. Tout ! Et j’avais 21 ans, tu comprends? C’était 1946. Peut-être je l’ai lu trop vite parce que j’ai resté tout seul, j’ai dû batailler, bagarrer avec tous les gens, j’ai dû me mettre en situations de savoir qu’il n’y avait pas un autre en ce moment-là pour dire des choses qui se passent en ce moment-là. Évidemment il avait l’influence de tout le reste que je viens de te raconter d’Europe. [00:18:02]
BUTLER COLEMAN: Pardon, mais est-ce que t’as vu les choses de Gabo, par exemple?
GYULA KOSICE: C’est ça ! Dans la bibliothèque on n’a pas seulement envie de l’histoire tout l’art en ce moment-là parce que c’était en espagnol, la pigeon [ph] c’était assez faible, mais c’était une vision de toute la pré-histoire. Nous avons compris que la pré-histoire il avait nécessité les primitives de créer des choses, [inaudible] de toutes les époques et toutes les cycles de culture. Et moi, je me dis, mais il y a un cycle que c’est maintenant, que c‘est seulement dans la 20ème siècle et pas avant. Alors, c’était pas la copie, c’était pas la déformation de la réalité, c’était même pas l’appropriation: c’était l’invention et le nouvel rapport entre l’art soi-disant et la société dans laquelle nous habitons. Alors, évidemment, il y avait tout complète, ça veut dire, la constructivisme russe. Il avait le [inaudible], il avait tous les talents qui travaillaient au Bauhaus et Mondrian et Kandinsky. C’est normal parce que nous avons étudié ces rapports entre—mais à Buenos Aires, c’est rien passé, rien du tout. Et même aujourd’hui que je regarde—c’est la deuxième fois que je suis là New York ; j’aime beaucoup cette cité, justement, parce que c’est la plus dynamique, c’est le centre de tellement de choses, parce qu’il m’aimait par l’épreuve en moi-même. J’ai eu besoin de ça, de mettre en épreuve moi-même. Est-ce que la cité, elle peut vaincre les idées, ou peut-être c’est l’artiste qui peut transformer. Pas la cité soi-même: les rapports entre les gens, la communication entre les gens. [00:20:05] Pour moi, l’expérience c’est un autre moment très discutable. C’est pour ça que je dis que plutôt que l’expérience personnelle, elles sont des conditions personnelles de l’homme qu’il met en jeu sa propre condition pour savoir quelle orientation il doit prendre pendant toute sa vie. Maintenant que tout s’est mélangé entre si c’est plus importante la vie ou pas, je n’aime pas poser la question. Il n’existe pas, pour moi, une chose sans ordre. Il n’y pas de dualisme.
BUTLER COLEMAN: Dis-moi, en ’45, par exemple, quand tu as fait L’invention, le manifeste là, qu’est ce que tu as fait toi-même, au point de vue de sculpture—
GYULA KOSICE: Non, seulement des choses articulées. Je n’aime pas utiliser encore le plexiglass parce que pour moi c’était une recherche. Gabo, il a fait déjà les choses merveilleuses avec la transparence. Kandel, il a fait sa plus grande invention, c’était justement de mobiliser les objects. Duchamps, évidemment, il a fait des choses tout à fait révolutionnaires. Mais qui de plus? Quelques uns comme Taplin [ph], quelques uns comme Rochin [ph], quelques uns comme Malovich [ph], on a fait des choses que c’était vraiment la fuite d’une révolution de la société même que c’était la Révolution Industrielle. Ce sont des rapports directs avec l’histoire, et ce n’est pas empêcher l’historicisme, c’est simplement que les faits sont plus importants que n’importe quel membre, n’est-ce pas?
BUTLER COLEMAN: Est-ce que toi, tu étais très attiré par le [inaudible] pendant la guerre, par exemple? [00:22:00]
GYULA KOSICE: ça m’attirait toujours mais je n’ai pas pris conscience pourquoi ça m’attirait. Après, oui, d’abord j‘ai commencé à faire des choses mobiles. C’était en ’44 même avec de bois—je travaillais le bois, j’aimais beaucoup le bois dans cette époque-là. J’aime la transformation. C’est-à-dire que tu as fait une forme et tu peux transformer, tu peux ajouter, tu peux rester, tu peux faire n’importe quoi sur le même objet. Et les choses suspendues. C’était la seule chose que j’ai fait vraiment signifie [ph] en ce moment-là. Mais en plus, il y avaient d’autres mouvements, c’était à travers de mille que tu peux faire motoriser, et j’ai pris—c’était un vision, si tu peux dire, pourquoi les autres ont laissé la côté mobile à côté. Je me demandais toujours pourquoi on a laissé la côté mobilité à côté. En même temps que tout le monde parle aussi de l’architecture prospective, de l‘architecture transformable, et tout ça, nous avons déjà dit ça en ’46. Et il y a énormes des choses qui se passent à Buenos Aires, c’était épouvantable. Il y a très peu de personnes qui sait vraiment où se trouvent certaines recherches, mais c’était au coin du monde, c’était à Buenos Aires.
BUTLER COLEMAN: Tu n’as pas eu un patron ou quelqu’un riche à Buenos Aires?
GYULA KOSICE: Jamais, tout le contraire. C’était un refus total de choses d’invention, de choses nouvelles, là-bas c’était l’expressionnisme encore.
BUTLER COLEMAN: Quand t’as vécu—ou le groupe ou toi-même—
GYULA KOSICE: Le groupe, tout le monde travaillait.
BUTLER COLEMAN: Travaillait en quoi?
GYULA KOSICE: Moi, par exemple, je travaillais de modéliste dans un maroquinerie. J’ai fait même, tu sais, des bag? Les modèles du bag, comme ça je peux vivre. Des modèles du bag ! Voilà. Maroquiner. [00:24:00] Ah, non, pas bag—
BUTLER COLEMAN: Sac?
GYULA KOSICE: Sac ! [laughs]. Sac de femme, c’est ça, c’était mon métier et c’est mon [inaudible] pour vivre. Et j’ai fait même des couvertures de livre, je fais de dessein pour la publicité, n’importe quoi pour vivre. Et c’était toujours le huit heures à neuf heures de travail toute la journée, et après ça, on a étudié.
BUTLER COLEMAN: Dans un atelier?
GYULA KOSICE: Pas exactement un atelier, mais nous avons tous une place. Oui, tout le groupe, il avait un atelier plus grand que ça, et chacun chez lui, il avait sa petite chambre où on a fait des expériences. Nous avons été très jeunes. D’abord, c’était une ouverture au monde, c’était un éclat, c’était quelque chose inattendue. Tu t’imagines, c’était plutôt pour nous une révolution ; pour les autres, ce n’était rien de tout. Tu comprends? Il n’y avait pas de rapport entre notre direction mentale et notre attitude. Une fois je me rappelle on a refusé même des galeries pour exposer. Alors, la chose qu’on a fait, on a décidé de faire une exposition dans la rue même. On a pris les mains comme ça, une avec les autres, et on a mis des objets par terre dans la Rue Floride. Alors, évidemment, le journal a dit, “tous eux sont des fous, qu’est ce que vous faites?” C’était le scandale. C’était de les scandales. Malgré ça, à cet âge-là, le scandale c’est pas possible. C’est plutôt l’étonnement pour nous de voir que les autres ne comprennent rien. C’est une résistance organiste.
BUTLER COLEMAN: Mais c’était l’époque de Perón, non?
GYULA KOSICE: Avant, beaucoup plus.
BUTLER COLEMAN: Mais la situation, c’est-à-dire le climat, était très comme ça pour la culture?
GYULA KOSICE: Non, à Buenos Aires, il y avait une culture vraiment importante. Mais suppose-toi: même pas si nous avons fait ça à New York en ce moment-là, c’était à contre-temps. [00:26:08]. Je crois que la plus grave pour nous, c’était qu’il a parut trop top. Il n’y avait pas de [inaudible] je viens de dire. Il n’y avaient pas de moments. C’était pas l’opportunité. Maintenant, tu t’imagines, tout le monde le fait avec le gaz néon, n’est-ce pas, l’étude? Et moi, personnellement parce que les autres ont fait des autres expériences, j’ai fait avec la lumière déjà en ’46, ’47. Et j’ai déjà fait des choses—même j’ai fait des choses tres importantes en ce moment-là, j’ai abandonné ça, et c’est maintenant que tout le monde, il prend conscient.
BUTLER COLEMAN: Tu badiner le rayon [ph]?
GYULA KOSICE: Exactement, et même comme Marcel Ray [ph], mais avec une autre conception, c’était la structure. Pour nous, c’était la forme pure et structurée et pas avec un autre sens de composition. Parce qu’il y a des choses qu’on fait avec le cube, mais c’est encore la figuration, le nouveau-réalisme. [Inaudible] avec la nouvelle direction.
BUTLER COLEMAN: [Cross talk.] C’est en ’46 que t’as commencé avec le plexiglass?
GYULA KOSICE: Quarante-six, quarante-sept, j’ai commencé avec le plexiglass. C’était exposé à Paris à Réalité nouvelle, c’est exposition de groupe, j’ai exposé là, et tous les journaux en ont parlé, “Voilà c’est si idiome [ph], que nous remporte, la [inaudible] totale !” C’était pas la grande qualité de choses, c’était pas fini bien, c’était pas l’œuvre total, mais quand même, le germe [ph] c’était déjà avec la lumière, avec les choses mobiles. [00:28:07] Et la revue d’art, avant il a paru dans un hebdomadaire très grand, je me rappelle de quelques critiques ont dit que sont des barbares, qu’on a fait des choses pas tellement bien-faits, mais quand même, il y avait eu quelque chose de nouveau. C’est-à-dire, nouveau dans le sens pour eux. Mais si tu penses, c’était pas une révolution totale. Chez nous, oui, mais tellement, non, c’était pas une révolution. C’était pour moi un trajectoire, et c’était suivi pendant tout—même les futuristes italiens, on a déjà commencé à parler des mouvement. Mais c’étaient les mouvements visuelles, ça veut dire, à travers des spectateurs, pas en soi-même. C’est ça qu’on oublie. Mais la grande expérience comme théorie, comme chose déjà établie, je crois que c’est le groupe Madí qui a lancé ça.
BUTLER COLEMAN: Et c’est toi qui a écrit la manifeste pour le groupe Madí?
GYULA KOSICE: C’est ça, j’ai signé ça volontiers [ph].
BUTLER COLEMAN: Dit que la sculpture doit être ça, le dessein doit être ça—
GYULA KOSICE: C’est ça. [Inaudible] m’a dit tous les objets avec les mains propres de chacun, mais après ça, j’ai parlé de la mobilité, pas seulement de la peinture ou de la sculpture, mais encore—et c’est plus important—dans quelle mesure nous pouvons faire ça avec l’habitat. C’est-à-dire, l’architecture, l’urbanisme en général. Parce que nos rapports directs avec la réalité c’est les grandes espaces, c’est l’habitat. Rien à faire. Mais de plus en plus, du sédentairisme que nous avons pris, il vient aussi le nomadisme. [00:30:02]. Tu comprends maintenant, tout le monde, il aime bien voyager, il aime bien voir et rencontrer des autres villes, c’est-à-dire, le distance, c’est pas nouveau. On s’approche toujours de plus en plus. C’est-à-dire on commence à connaitre la terre. Mais en même temps on ne peut ps diriger, par exemple, les éléments de la nature. Nous sommes prises dans une situation très absurde: nous ne pouvons pas diriger un tempête, on peut pas débiner [ph] un séisme, on ne peut pas diriger les cendres. Nous ne sommes pas les mesures du monde déjà. L’être humain, c’est pas la mesure de toutes les choses. Nous travaillons dans un certain indéterminisme des choses, et en même temps, nous voulons conquérir l’espace. Et ce n’est pas l’espace que nous pouvons conquérir—c’est le temps et c’est notre temps. Parce que notre temps c’est l’essence de l’existence, n’est-ce pas? Alors, je ne sais pas si j’ai raconté déjà, mais si nous avons la possibilité de vivre quatre mois maintenant sur un pays—ici, à quatre mois sur la lune—alors que le temps que tu habites là-bas, quatre mois peut-être c’est ici 10 ans [inaudible] à la terre. C’est une chose physique, c’est pas moi qui vais dire. C’est pas l’espace, comme tout le monde dit, c’est pas connaître l’espace, c’est connaître un autre temps, et devenir plutôt—c’est un monde un peu difficile à dire, mais qu’on parle que tout le monde veut rester, il veut exister dans une certain manière. C’est une recherche de l’éternité. Mais je reviens à des choses parce que ce sont des choses profondes et légères en même temps. [00:32:00]
BUTLER COLEMAN: Je me demande si tu as connu—tu dis quoi, Borges?
GYULA KOSICE: Ah, Borges, l’écrivain. J’ai connu personnellement. J’ai lu presque tous les livres qu’il a publié, oui,
BUTLER COLEMAN: Parce que cette question de temps, que tu parles de temps, lui est très intéressé avec la question de temps. Par exemple, je connais dans un nouvel ou quelque chose qu’il a écrit, il prend l’idée de Huxley, où Huxley dit que peut-être nous étions né, ou personne n’était né hier, mais en quoi il y avait une histoire, mais vraiment, c’est quelque chose comme un mythe—[cross talk.]
GYULA KOSICE: Oui, mais ça c’est l’abîme [ph], ça c’était un mirage, ça c’est la métaphysique de temps, ça ne m’intéresse pas du tout à moi. Je voudrais la conquête du temps dans le sens de la conscience. Pour moi, la réalité est plus profonde et plus mystérieuse que l’inconscience. Si on travaille dans le sens d’un plan littéraire, on peut faire des mirages, des inventions formidables. Ça c’est la fiction. Moi, je préfère la physique plutôt que la métaphysique. Comprends? On touche une certaine réalité tout le temps, n’est-ce pas? C’est à la mesure que nous avons conscience de cette possibilité. Si non, on ne touche pas. Si non, c’est encore invention littéraire. Mais c’est un autre temps, complètement différencié.
BUTLER COLEMAN: Mais à 33 ans, je crois, c’était ’57, tu es allé à Paris. Pourquoi pour qui—
GYULA KOSICE: Non, j’ai—Tu vois, on a travaillé très dur. Là-bas, j’ai eu la chance d’avoir, après certaines admissions, si on peut dire, dans la cercle plastique, mais encore c’est une chose pas passionnée chez les Argentins. [00:34:16] Alors, je me dis, qu’est-ce que je dois faire? Il y a longtemps j’ai réfléchi que j’aurais voulu voir des gens, que j’ai appris beaucoup des écrivains, des artistes, des architectes. Alors, je me suis dit bon, le goût [inaudible] m’a donné une patronné pour aller là-bas. Alors, cette université à Paris. J’arrive en 1957 à Paris. En ’58, j’expose à la galerie Denise René.
BUTLER COLEMAN: Comment? Comment c’était arrivé?
GYULA KOSICE: C’est arrivé parce qu’avant ça, j’oubliais de dire parce que c’est un décalage énorme, pendant ce temps-là j’étais fondateur de la Revue de Madí. On apparait huit numéro de cette revue. Nous avons eu la collaboration de presque tous les artistes les plus importantes américains, latin américains, et européens, qui fait l’art abstrait, sans discrimination. Tout le monde qui a fait l’art, il y avait une section de collaborateurs. Alors, je me mis en rapport avec [inaudible] il m’envoyait un lettre en disant “Pourquoi tu ne viens pas? C’est dommage, ton travail est très important, tu peux le montrer ici.” D’abord, j’ai eu l’idée d’y aller à montrer les choses. Je dis, qu’est-ce que je peux faire à Paris? Apprendre quoi? J’ai déjà 33 ans. La chose que je dois faire, c’est montrer des choses, pas d’y aller comme un étudiant, c’était déjà trop tard. [00:35:58] Alors je me mets en contact avec [inaudible] en disant, “On a vu des œuvres, on a dit bon, on va faire une expression.” D’abord, Denise René elle était très réticente. En ce moment-là, elle était très discrète, elle n’était pas la chose tout à fait signifie [ph] et tout ça. Elle était tout le temps divisé avec les opinions, et cetera. Mais quand même, je lui proposait une chose. Voilà Mme Denise René, laissez-moi un jour: invitez les critiques, invitez les artistes, et on verra. Alors, elle a dit, “D’accord.” Alors, j’ai monté l’expression pour un jour, n’est-ce pas? Heureusement, j’ai invité Michel Zevort [ph], Van de Giablo [ph], il avait Jaufer [ph], il avait Van der Ville [ph], il y avaient des autres artistes, Van Gamme [ph] et tout ça. Et on avait [inaudible] formidable. Le lendemain, Denise René dit, “Bon, d’accord, je vous fais l’exposition.” Alors, c’est comme ça que s’est passée l’exposition à Denise René.
BUTLER COLEMAN: D’accord. Et qu’est-ce que c’était le rapport avec Denise René?
GYULA KOSICE: Le rapport est directement avec Vasarely parce que Vasarely était très attaché—de commencement, c’était le cofondateur de la galerie Denise René.
BUTLER COLEMAN: Qu’est-ce que tu penses d’elle-même?
GYULA KOSICE: Je peux pas penser parce que je pense qu’elle—il a pris le monopole de tous les artistes. Maintenant, elle est en situation de faire ça. Je ne sais pas si elle pense moins de moi, je n’en sais rien, mais aussitôt que j’ai laissé la galérien [ph] parce que j’ai trouvé, en plus, on m’envoyait des anonymes, on voit—on m’a fait la vie impossible, il y avaient pas mal d’Argentins dans la galerie et tout ça. [00:38:03]. On m’a dit que je mets l’ombre à les autres—j’ai eu un succès terrible. Il a la position—comme tout le monde, c’est bien, c’est toujours il y a des problèmes de jalousie, d’envie, et tout ça. Alors, j‘ai dit, “Je ne vais pas rester dans ce climat, je m’en vais.” Et je suis parti pour une autre rigoler [ph].
BUTLER COLEMAN: Mais au point de vue de succès que tu as eu intellectuellement, quoi, dans le milieu d’artistique, mais est-ce que tu as vendu quelque chose dans ce moment-là?
GYULA KOSICE: Oui, j‘ai beaucoup vendu.
BUTLER COLEMAN: Qui étaient les gens qui ont acheté ça, ou qui s’intéressaient? Les Français?
GYULA KOSICE: Même les Suédois—Ehrenberg [ph]—il avaient des Américains. Mme Rothschild ici à New York, Florsheim [ph] ici à Chicago, Mrs. Salaway [ph]—tout le monde qui l’a passé de New York là-bas. Tu sais, là-bas, il était un marché très fort des Américains. Les Américains en achetaient beaucoup, et les Suédois beaucoup, et les Suisse. Pas tellement les Français, tu comprends? J’ai [inaudible] quand même devant je peux vivre, quand même mais je n’ai pas été lancé comme il faut pour la galerie même. Il avait en retrait. Tu sais, le succès donnait quand même une chose comme ça.
BUTLER COLEMAN: La jalousie, tout ce qui vient. Voilà, qui est ce gars [ph] qui arrive de l’Argentine—
GYULA KOSICE: Tout [inaudible], tout nouveau, alors, j’ai dit, “Je ne suis pas nouveau, j’excise beaucoup plus que vous avant les galériens [ph] même, et j’ai déjà fait des choses [inaudible] avant la fondation de la galerie.” Alors, il n’a pas aimé ça, après. D’abord, c’était tout à fait bien, mais après, ça passait comme ça.
BUTLER COLEMAN: Et en ce moment à Paris, tu as été obligé de prendre un job, ou c’était possible de faire tes choses?
GYULA KOSICE: Non, parce que je travaillais dans une laboratoire. [00:39:55]. Je fais, tu sais, on appelle ça la photogram pour des publicités. Je travaillais seulement trois, quatre heures par jour. Le reste, je travaillais pour moi.
BUTLER COLEMAN: Tu as eu un atelier?
GYULA KOSICE: Oui, oui, toujours.
BUTLER COLEMAN: Où?
GYULA KOSICE: C’est 18 Rue de Général Berri, c’est au 15ème. Et j’ai encore cet atelier loué à [inaudible]. C’est-à-dire que je ne pense pas maintenant à Paris dans le sens comme on a fait dix ans avant, évidemment, parce que je crois tant de choses, on a changé. Je viens avec une vision tout à fait différente: je crois que New York c’est la cité et pas une des autres cités, n’importe quelle.
BUTLER COLEMAN: Qu’est ce que t’as commencé de faire à Paris? La même chose que tu as fait à Buenos Aires?
GYULA KOSICE: Non, j’ai commencé déjà à faire—c’est justement—tout était, comme j’ai dit, ce n’était pas une génération spontanée. C’était déjà préparé pour les événements même de mon enfance. Alors, je pensais à Buenos Aires toujours, de faire des choses en transparence. Je les ai fait. Mais la première sculpture hydraulique je l’ai fait à Paris en ’57. Quand j’arrive là-bas, j’ai—et c’est au musée de l’art moderne. C’est grâce à Jean Cassou qui a eu la vision de [inaudible] deux œuvres pour Le Musée Nationale d’Art Moderne à Paris.
BUTLER COLEMAN: Cassou?
GYULA KOSICE: C‘est Jean Cassou qui a vu ça, mais surtout je dois remercier aussi Guy La Basque [ph] c’est le plus important de tous, à mon avis, parce qu’il est le plus sérieux. Des deux critiques, n’est-ce pas, enroulé dans ce tendance. Il y avaient des autres, évidemment. Je connais personnellement Pierre Lancaster [ph], Michel Séfort [ph]—
BUTLER COLEMAN: Otto Hans [ph]?
GYULA KOSICE: Otto Hans [ph] c’est la nouvelle génération de [inaudible] des nouvelles, et ils sont plus jeunes que moi. Mais ils sont des gens très intelligents, sont plus actifs que les autres, ça c’est vrai, mais il y a [inaudible] qu’il doit parler, n’est-ce pas? [00:42:00] En critique, on ne se fait pas en quatre, cinq ans. On doit avoir une vague. Et ce n’est pas la confrontation de la chose qui se passe, c’est pas être seulement l’intermédiaire entre le public, l’artiste, et soi-même dans le journal, dans le press release, ou n’importe quoi, ou créer quelque chose pour un catalogue. Je crois que les critiques, ils doivent avoir un sens de création aussi, et une lucidité tout à fait différente de l‘artiste dans le sens qu’il peut orienter les gens. Pas seulement—En critique d’art, il doit être passionné, il doit être aussi même tendancieux, c’est la seule manière de prendre position dans la vie. En critique de l’art qui parle de tout le monde, même s’il parle bien, ça ne m’intéresse pas, en critique, que c’est seulement un miroir de toutes les choses qui se passent, ce n’est pas un critique d’art.
BUTLER COLEMAN: D’accord. C’est-à-dire beaucoup plus comme Baudelaire—[cross talk].
GYULA KOSICE: Exactement ! Dans le sens Baudelaire, exactement. Dans ce sens, je crois qu’il doit être passionné, il doit diriger la conscience, sur—[cross talk].
BUTLER COLEMAN: Diriger la conscience de qui?
GYULA KOSICE: Des gens. Il a un devoir d’informer, ça c’est une chose, mais il y a une autre, c‘est de considérer vis-à-vis de l’artiste, ce qu’il est lui-même, le critique. Vis-à-vis de l’artiste, pas de public seulement. Parce que si lui il reste seulement comme intermédiaire, eh bien, il reste comme intermédiaire, n’est-ce pas? Pas comme une orientation. [Audio break.]
BUTLER COLEMAN: Ça marche?
GYULA KOSICE: Oui, ça marche.
BUTLER COLEMAN: On continue. [00:44:00]
GYULA KOSICE: Dis-moi, je peux être contradictoire aussi, mais je voudrais savoir ce que tu peux me dire comme ça de—
BUTLER COLEMAN: Mais—à ce moment-là à Paris, tu es devenu copain avec quelqu’un?
GYULA KOSICE: Tout le monde. Avec tout le monde. J’aime bien le rapport avec les artistes, et vraiment je préfère l’opinion même des artistes et pas de critique. C’est surtout une chose—Non, pas ça, mais les critiques, elles doivent avoir un sens, une mesure et une lucidité des choses, comprends? Je termine justement avec tous les gens que je viens de dire, mais surtout, je bavardais presque tout le temps avec Chauffeur [ph] en ce temps-là, avec Vasarely, avec Gaguin [ph], avec Soto, avec des autres, et ce n‘étaient—
BUTLER COLEMAN: Tinguely?
GYULA KOSICE: Tinguely, mais pas tellement parce que Tinguely, tu sais, même s’il a fait des choses signifies [ph], il était dans un monde assez Dada, c’est surréalisant, et moi j’étais contre parce que je viens de sortir de ça, comprends? Le monde de Tinguely, il a rien à voir avec le monde que je pense qu’il doit être, disons, le monde de notre société. C’est pas l’objet en soi-même qui m’intéresse, c’est pas même l’attitude qui m’intéresse—c’est un absolu. Et cet absolu, je ne peux pas le trouver. Je ne le trouverai jamais parce que justement, je ne peux pas le déterminer. Et tout cet absolu c’est insaisissable comme moi-même. Comme moi-même, et je suis contradictoire, mais je suis lucide de ces contradictions. Alors, je préfère de corriger pas les erreurs, de corriger la condition qui est le résultat de tout ça, n’est-ce pas? Et c’est la matière prime: le temps, l’espace, l’énergie, la mobilité, la distance. Qu’est-ce que se passe dans ce monde, vis-à-vis des autres mondes aussi, inconnus encore. Les mystères pour moi, ça n’existent pas. [00:46:00] La mort? Ça n’existe pas. Tu comprends, c’est pas par la définition que je prends cette position. Il n’y a aucune définition réelle de qu’est-ce que c’est l’art, n’est-ce pas? On peut pas l‘avoir, jamais. On ne peut pas avoir la définition, qu’est-ce que c‘est la vie. Sinon, entrons dans un sens de conversation métaphysique ou théologique et moi, c’est pas que je m’en fous ; ça m’intéresse dans la mesure que je dois l’ignorer. Je dois l’ignorer—sinon, je commence à voir un sens de miracle, peut-être, quotidien, et pour moi, le miracle est la vie-même. Tu comprends?
BUTLER COLEMAN: C’est—Deux questions qui viennent de certaines choses. Dans tout ça, tu est catholique, non?
GYULA KOSICE: Je ne suis pas catholique.
BUTLER COLEMAN: Ah, bon. Parce que ça c’est une question qui m’intéresse, au point de vue de—[cross talk].
GYULA KOSICE: Mon père, il était juif, et ma mère, elle était protestant, je ne sais pas exactement, parce qu’il n’a pas—Mais chez nous, pendant mes 10 ans que j’ai habité avec eux, n’est-ce pas, on n’a professé aucune religion. Et j’ai une crise—et c’est pour ça que je reviens à mes 18, 17 ans—et j’ai fallu de me suicider parce que je dis, “Mais voilà moi-même seul,” et c’était une solitude affreuse. Et c’est ma femme qui m’a sauvé. Je suis tombé amoureux après—d’elle—ma femme Gigi [ph] c’était le support de moi-même. Maintenant, je suis [inaudible]. [00:47:58]. Et voilà comment ça s’est passé. Moi, j’ai eu de l’angoisse en ce moment-là de savoir pourquoi et où allons-nous. C’est-à-dire qu’est-ce que c’est au fond de la philosophie? La vie, dieu, et quoi de plus? Et la réalité que nous habitons, c’est l’espace temps. Au tour de ces trois choses, n’est-ce pas, la philosophie commence à être la phénomène, après la phénomène, elle devient scientifique, avec la science, après la science, elle vient l’indétermination. Mais il y a une chose très constructive dans tout ce-là: c’est-à-dire les connaissances que nous faisons de certains rapports avec l’être humain et son monde, sont différents. Sont plats—pas de tout profonds—sont différents, c’est un monde tout à fait différencié. Tu m’as dit si je suis catholique. Moi, quand je pense que la religion dans le monde, en quantité sans les autres, pas les catholiques, et catholiques en même temps, c’est la culture occidentale, et surtout la culture de Méditerranée, n’est-ce pas? Je me demande si—En ce moment-là, je me demandais si c’était vraiment cette culture-là qui fait encore la guerre, l’extermination, elle a besoin aussi pour survivre la destruction. Mais mon rapport avec les membres c’était tout à fait individuel parce que encore aujourd’hui, je suis en solitaire. C’est-à-dire que mes pensées sont pas de tout nouvelles, mais je comprends que je connais mes limites. [00:50:01] Comprendre ses propres limites, c’est déjà quelque chose parce qu’on peut aller en profondeur en ce moment-là.
BUTLER COLEMAN: Est-ce que tu crois en Dieu?
GYULA KOSICE: Ecoute—c’est très difficile à répondre parce que l’athéisme c’est une autre religion. Suppose-toi que ma religion c’est de comprendre mes limites de connaissance. Évidemment en ce moment-là, je dois croire en Dieu. Mais je dis un dieu, pas le Dieu catholique, je veux dire un dieu. Je me fais pour—à moi-même, un espace de—peut-être c’est très mal seine [ph] de ma part, et c’est pour ça que je suis freiné. En ce moment-là quand tu me parles comme ça, si je crois en Dieu, je dois te répondre que non, je ne crois pas en Dieu. Mais il y a parfois que ces mêmes limites de moi-même, ils me disent, “C’est la question capitale.” Mais si je commence à croire ou à penser qu’il existe, alors, je suis fini moi-même. Parce qu’en ce moment-là, je crois que je suis dirigé, qu’il y a une destination de ma vie, et je ne peux pas le croire. Je ne dois pas le croire. C’est-à-dire même si je crois en Dieu, je dois oublier qu’il existe.
BUTLER COLEMAN: Tu veux dire que—
GYULA KOSICE: Je ne m’occupe pas de Dieu, et je préfère que Dieu il ne s’occupe pas de moi, même s’il existe. C’est-à-dire—
BUTLER COLEMAN: Mais il n’a rien à faire avec le fait qu’il peut exister là, tu comprends, et simplement existe. C’est tout ce que je demande ; je ne demande pas s’il dirige ta vie. Ce n’est pas forcément—
GYULA KOSICE: Oui. [00:52:00]
BUTLER COLEMAN: On n’est pas d’accord mais à cause des autres—
GYULA KOSICE: Oui. Suppose-toi—évidemment, mois, je crois parfois d’où vient une chose du pouvoir énorme, que c’est Dieu. C’est pas le panthéisme. C’est pas même la reconnaissance de notre faiblesse, non. C’est pas la maladie de savoir qu’il y une destination précise de notre vie parce qu’à ce moment-là on ne peut rien faire de notre vie. Si tout est déjà écrit, il n’y a pas grande liberté. Pour moi, la liberté de penser, d’agir, c’est tout. Qu’est-ce que c‘est l’école de la liberté? L’école de la liberté, c’est l‘art. L’art, il peut être mythique, il peut être croyant, mais en même temps, il surpasse tout ça. Il surpasse la folie, il surpasse tout parce que c’est un élément principal de mesurer la distance qu’il y a entre la société et qu’est-ce qu’elle va faire ce lendemain, cette même société.
BUTLER COLEMAN: Mais c’est l’homme qui créait l’art, tu crois pas ça?
GYULA KOSICE: Je crois que plus qu’une nécessité, il y a un besoin. Rappelle-toi de cet anecdote de primitif qui fait un petit vase avec du terre. Il s’assise pour voir—c’est un objet déjà outil, fonctionnel? Je parle du primitif, complètement primitif, il fait son vase seulement pour transporter, pour faire la distance entre l’eau et le petit habitat qu’il y a dans un endroit là-bas, pour transporter l’eau. Mais il n‘est pas content, il ne peut pas le transporter. Et pourtant, et pourtant, ce petit vase est déjà fonctionnel. Mais avant de prendre un petit [inaudible], pour lui, ce n’est pas fini. [00:54:04] Alors, c’est une nécessité physique, l’art.
BUTLER COLEMAN: De l’homme.
GYULA KOSICE: De l’homme. Et de plus, c’est un besoin parce que la nécessité peut être physique, mais les besoins, c’est plus important. Les besoins, disons, collectifs, de se tatouer le cœur [ph], par exemple, de faire la décoration, d’envahir n’import que l’endroit, c’est un besoin comme les besoins de boire et de manger ou de faire l’amour. Seule la nécessité vitale. Dans cette vitalité, dans ce dynamique de besoin, je me considère que j‘ai trouvé quand même quelque chose. Les gens en a besoin d’art. Si on peut appeler l’art aujourd’hui la chose qui en fait, parce que moi, c’est déjà périmer [ph] certain état des choses vis-à-vis—je ne sais pas si demain—on parle beaucoup que l’art il va finir. Peut-être. Ça ne m’intéresse pas, même le mot “art”.
BUTLER COLEMAN: Oui, c’est un jeu de mot.
GYULA KOSICE: Mais quand même, on ne peut pas tuer ce besoin de s’exprimer.
BUTLER COLEMAN: Oui, d’accord.
GYULA KOSICE: Et ce besoin d’exprimer, malgré tous les amis à moi qui ont dit d‘un art en proportion collective, je crois que ça sort toujours, toujours d’un seul individu. C’est-à-dire on peut avoir 30, 50 artistes mais c’est toujours lui-même avec sa solitude aussi, avec son besoin de s’exprimer, avec cette vitalité que je viens de dire à tout à l’heure, ça c’est inéchangeable.
BUTLER COLEMAN: Oui, et ça c’est l’art.
GYULA KOSICE: Ça, ça existe, ça va exister toujours, même si notre corps humain un jour par la transformation atmosphérique au climat, ou si nous avons temps dans un autre planète, il peut se transformer—transforme les poumons, la vision, les mains, les pieds, ou la façon de marcher. [00:56:05] Cette nécessité, ça transforme jamais, jamais.
BUTLER COLEMAN: Bon, je passe à autre chose. En ’63, je crois, t’as organisé pour Cassou, non, à Paris, une exposition de cinétisme? [Cross talk.]
GYULA KOSICE: C’est ça. D’abord, j’étais nommé en ce moment-là pour le gouvernement argentin comme le commissaire d’art.
BUTLER COLEMAN: Tu étais avec ta femme à Paris?
GYULA KOSICE: Oui, oui, oui, avec mes enfants, aussi, mes deux filles. Et alors, on a vécu là-bas quelques temps, quelques deux—Mais avant cette exposition, j’ai organisé une exposition des artistes argentins dans un musée municipal d’art moderne, tu sais, de cet—[inaudible] fait à Paris chaque deux ans. Et après finir ça, on m’a envoyé comme délégué, n’est-ce pas, du pays, pour organiser aussi cette exposition de l’art argentin à nouveau. Alors, c’était un vrai succès. J’ai organisé toute une salle entière, énorme, en bas, justement, le sous-sol. C’était retentissant parce que Malraux, il l’a parlé très bien. Je bavardais avant avec Malraux, qu’est-ce que tu veux toi faire, n’est-ce pas, qu’est-ce que c’est l‘idée générale, il a dit “Bon, d‘accord, on va avoir cette exposition,” il a fait la déclaration à la presse, en disant c’était un merveille d’exposition parce qu’il avait 58 artistes représentés dans lequel plus de—presque la moitié, on était des gens actuel, c’est-à-dire moins cinétique, n’est-ce pas? [00:58:00] Alors, cette exposition c’était une mortuaire [ph] de la chose qu’on a déjà fait comme influence, même, de groupe Madí à Buenos Aires. Alors, on a pris ça comme un événement et tous les gens en a parlé très bien. C’était monté avec l’aide de Doréval [ph] aussi, à ce moment-là, et Cassou, évidemment. Et tout ça, c’est passé comme un éclat, n’est-ce pas? Il avait maintenant exposé là-bas les parcs, il avait—Vardaneker [ph], il avait Martin Botto [ph], il avait des autres argentins que sont—qui sont en travail maintenant, [inaudible] à Buenos Aires. Mais c’était vraiment un espace de révélation pour les Parisiens, voilà.
BUTLER COLEMAN: Et tu as resté à Paris jusqu’à quand? Jusqu’à ’65?
GYULA KOSICE: Non. J’ai resté, au fond, jusqu’à ’65. J’ai retourné après à Buenos Aires parce que ma fille commande pour un wedding [ph] à Buenos Aires Embassy Center. Et alors, je fais morale [ph] de 16 maîtres d‘auteur, c’est un espace de cascador [ph] monumental, et j’acceptais ça parce que justement les gens commencent à réveiller, n’est-ce pas, que se passaient les choses importantes. Maintenant, c’est la reconnaissance après 22 ans de travail. Ça passe toujours, ça, mais je ne suis pas étonné de tout, n’est-ce pas?
BUTLER COLEMAN: Mais finalement, tu as quitté Paris quand pour venir ici?
GYULA KOSICE: Mais avant ça, j’ai quitté Paris pour venir en ’64 à New York pour l’exposition à Terry Dintenfass [cross talk] et ça marchait très bien.
BUTLER COLEMAN: Soixante-cinq, tu as eu les [inaudible] critique, je sais.
GYULA KOSICE: Oui.
BUTLER COLEMAN: Soixante-cinq, au mois de mai, je crois, avec le Dintenfass. [01:00:04].
GYULA KOSICE: Oui, j’ai l’exposé le mois de mai, et ça passait jusqu’à mois de juin. C’était d’un [inaudible] difficile même. Les critiques étaient très bonnes, et j’ai eu la chance dans un certain sens, mais pas beaucoup de gens en a vu l’exposition. Tandis que bon [inaudible]. [Cross talk.]
BUTLER COLEMAN: En ce moment-là, tu rencontres M. Bonino ou quoi?
GYULA KOSICE: Non, ça c’était beaucoup plus avant. Il avait toujours l’idée de faire mon exposition. J’appartiens à la Galerie Bonino de Buenos Aires, d’accord, et alors, il a eu toujours l’idée mais c’est maintenant qu’il a vu que ça peut marcher avec ça, alors, il a pris position pour [inaudible] expression cette année ici à New York.
BUTLER COLEMAN: Tu n’as pas resté en ’65 ici—
GYULA KOSICE: Non, je suis parti pour Paris encore, j’ai retourné à Buenos Aires, et je travaillais là-bas. Ici, c’était février—
BUTLER COLEMAN: Soixante—
GYULA KOSICE: —soixante-sept. [Cross talk.].
BUTLER COLEMAN: Ça veut dire que tu gardes la nationalité argentine, bien sûr, mais tu as une carte verte, quoi, pour—
GYULA KOSICE: Oui, j’ai la résidence. Sinon, d’abord, j’ai un contrat avec Bonino pour deux ans, mais ça ne fait rien parce que de toute façon, je vais travailler ici. Je me trouve très à l’aise parce que même la nuit, c’est un tableau énorme, tu comprends? New York, c’est une ville, comme je viens de dire, je te dis, sans mystère, n’est-ce pas? C’est directe. C’est comme ça. Il n’y a pas de petits trouvailles comme ça, on doit travailler, on doit monter les choses qu’on a fait, et on dépend de soi-même. Tu comprends? Ça ne m’intéresse pas, les succès en soi-même. Ça m’intéresse dans quel sens? Moi-même, je me retrouve, tu comprends? [01:01:58]. Après toutes ces années de travail, des efforts parfois, de travail très dur, je me retrouve dans une cité complètement à ma mesure, si on peut dire. J’exagère, je ne suis pas de tout modeste, mon ambition c’est quelle, enfin? Tout le monde dit, “Je vais travailler, travailler,” mon ambition, c’est pas seulement travailler. C’est de me retrouver en moi-même, tu comprends, dans le sens que si mon ambition la plus grande c’est peut-être d’avoir une grande sculpture de moi dans chaque ville de monde, une sculpture hydraulique évidemment, [laughs] et plutôt que ça [inaudible] si possible un équipe de gens—parce que je ne suis pas mathématicien, je ne suis pas ingénieur, je suis plutôt une étudie [ph] qui corrige parfois son impression. Je voudrais, si possible, de faire un habitat suspendu dans l’espace, et voir qu’est-ce que se passe. Pas autorisé—avec des moyens énergétiques de l’homme. Et c’est possible scientifiquement. Ça c’est—tu comprends—la cristallisation de l’eau, c’était la combustible pour envoyer, n’est-ce pas, les argents [ph] planétaire. Alors, pourquoi pas trouver la manière de trouver pas seulement pour un espace de communication gratuit—encore une autre chose. Tout le monde, il parle de la communiqué, de la communication, de l’information. [01:03:58]. C’est évident que l’artiste, il a besoin de ça, mais il y a des artistes qu’on se trompe parce qu’on croit que la communication c’est le ressource principal pour faire leur art [ph]. C’est pas vrai. La communication principale, c’est de se connaître en soi-même, d’avoir quelque chose à dire, et avec ça, on peut les transformer, certaines sociétés. Il ne s’agit pas seulement de la communication de soi-même. On peut être fameux [ph] le lendemain d’un jour à l’autre, mais triste et non en faveur, aussi. Si tu [inaudible] tu fais n‘importe quel geste sur un parachutiste, n’est-ce pas? Alors, tous les journaux on prend sa connaissance, ça devient l’actualité. Je ne sais pas si l’actualité, la chose actuelle, ça va en rigueur avec l’art. Peut-être l’art c’était [inaudible] toujours inactuel, et en même temps, permanent. Tu comprends? C’est une grande différence.
BUTLER COLEMAN: Qu’est-ce que t’excite à New York au point de vue de bâtiments?
GYULA KOSICE: Je crois pas qu’il y a une grande architecture parce que c’est une cité monstrueuse. Mais il y a une chose formidable: les placements sont des [inaudible] c’est-à-dire que la structure en soi-même, c’est très, très bonne. C’est comme l’escaline [ph] d‘abord. En plus, elle est débout, c’est comme une personne qui est débout, et ça affirme, c’est une cité verticale, tandis que le reste sont toutes horizontales avec un décalage de la—
[END OF AUDIO FILE AAA_kosice67_9176_r.]
[END OF INTERVIEW.]